Nous fîmes route pour le cap de Bonne-Espérance, où nous complétâmes en peu de jours les provisions des deux vaisseaux pour une campagne de dix-huit mois1.

          Cette opération finie², nous appareillâmes de la rade du cap de Bonne-Espérance le 28 décembre 1771. A onze heures du matin, M. Marion fit diriger la route vers le sud, dans le dessein de découvrir les terres autrales.

          Cette recherche avoit déjà occupé M. Losier-Bouvet³, qui, en 1737, vit un cap qu’il nomma cap de la Circoncision. Mais la terre découverte par cet habile navigateur n’étoit pas, selon tout apparence, celle où le capitaine Gonneville avoit abordé en l’année 1703⁴.

          La route suivie par M. Bouvet indiquoit à M. Marion qu’il devoit chercher ces terres à l’est du méridien qui passe par Madagascar⁵.


1 Le retour du Mascarin à l’île de France se fera 16 mois plus tard.

² Le Mascarin est surtout mis en quarantaine à Robben Island, au large du port du Cap.

³ Jean-Baptiste Charles BOUVET de Lozier (1705-1786), poursuit son début de carrière maritime au service des armateurs malouins en intégrant la Compagnie des Indes. Il nourrit alors un intérêt passionné pour la découverte et l’exploration des Terres australes. De mars 1738 à juin 1739, il découvre en océan Atlantique sud une terre avec un climat polaire, l’île Bouvet, qui prendra le nom de son inventeur plus d’un siècle après.

⁴ Binot PAULMIER de Gonneville serait un personnage fictif à la source d’une incroyable supercherie historique qui a fait croire dans la découverte des Terres australes, du Brésil en fait, par un Honfleurais parti en 1503-1504 pour les Indes orientales mais dérouté avant de passer la cap de Bonne-Espérance. Son aventure mal attestée a quand même longtemps inspiré l’ambition de différents navigateurs par la suite.

⁵ Le méridien de Madagascar est le 50e méridien est.